Je ne suis pas mon histoire

En nous définissant nous nous limitons. On se définit par le récit que nous faisons de notre personnalité et de notre histoire qui élimine tout ce que nous ne sommes pas.

Quelque chose apparaît en enlevant ce qui l'entoure, comme une sculpture émerge du bloc initial du sculpteur. C'est la naissance de ce que nous croyons être, d'une individualité unique. Malheureusement nous y perdons tout ce qu'elle n'est pas.

Et puis on s'accroche à la description de cette œuvre parce qu'être potentiellement tout nous insécurise. On s'accroche à son énonciation et, dans le même temps, nous la rigidifions, nous privant d'autres chemins, d'autres expressions. Nous nous figeons dans cette gangue et notre danse se sclérose.

Nous sommes tellement sûrs de ce que nous disons de nous, de nous connaître, d'être prévisibles, qu'en le croyant nous le devenons. Nous ne pouvons plus être autre chose et alors il ne s’agit plus d’un choix.

Beaucoup de ce que nous disons choisir au nom de valeurs n’est pas un choix réel parce que nous ne pouvons plus faire autrement.

Si je ne peux pas dire non alors mon oui ne vaut rien. Si je ne peux pas me mettre en colère ma douceur n’est pas un choix. Si je ne peux pas être injuste comment puis-je me dire librement juste ?

Si nos actes ne sont pas une carte parmi d’autres dans un jeu libre et ouvert ne sommes nous pas enfermés ?

Nous avons toujours à élargir nos possibles. Il n'y a de limite à notre expression que notre conviction d'être limités.

Tout est possible quand nous ne sommes plus la personnalité que nous tenons à toute force, par peur de l'immensité.

Sortir des chemins que nous arpentons sans relâche nous redonne du jeu mais seule la libération du récit que nous avons de nous réouvre tous les possibles qui n'ont jamais cessé d'être là et rend tout l'espace à notre danse.

Xavier Mathieu